Au programme cette semaine: du braquemard, de la verge, du pénis, du gland et des burnes mais aussi des recettes, du vin et du catch féminin. Bonne lecture !
Avoir une allure de gland fluorescent n'est pas donné à tout le monde
Tout commence par un surf innocent sur le site Slate, où l’on apprend que le gland ne fait plus recette. “Il y a même des bars à éclairs, tandis que le gland est resté le même” apprend-t-on. «Le gland est un peu associé à cette crème bas de gamme, ultra standardisée» Je vous recommande vraiment la lecture de cet article qui recèle quelques perles: ne vous fiez pas au temps de lecture, et rajoutez en cinq bonnes pour le fou-rire. J’avoue: je n’ai jamais goûté de gland. Cette pâtisserie vert fluo, composée de pâte à chou m’a fait penser à une chose que j’avais vue sur twitter, appelée “La quéquetterie”. Le concept est simple: proposer des gaufres en forme de teubs pour tous les goûts nous assure-t-on: il y a même des quéquettes sans gluten, que demande le peuple, n’est-ce pas? Plus sérieusement, les braquemards gaufrés ont permis à ce restaurant de sushis-burritos (sic) de sortir le prépuce de l’eau. Parce que ça marche à crever: les gens poireautent dans d'énormes queues pour croquer de la quéquette.
En fouillant un peu, je me suis pourtant rendue compte que ces phallus étaient loin d’être isolés (l’isolement des gourdins, quel titre merveilleux de roman, mais je m’égare): ils correspondent à une sous-catégorie de pâtisserie “érotique”. On trouve depuis longtemps à Paris cette boulangerie qui s’en est fait une spécialité, selon les régions et les villes on trouve des gâteries telles que les pines ou les fallues, il n'est pas rare de tomber sur des tétons de Vénus ou bien en se baladant à Catane de goûter aux seins d’Agathe. Certain·es vont encore plus loin en faisant du cake design en forme de paires de fesses ou de nibards. C’est les portes ouvertes du pénis entier à toutes les fenêtres.
Fêter les vulves en réunion non-mixtes, quelle bonne idée
Y-en-a-il seulement pour les triques et les seins ? Oh non, désormais on trouve pêle-mêle des cupcakes vulves - arrêtez d’appeler ça vagin, un vagin ce n’est pas une vulve bon sang de bonsoir - des gâteaux de Noël vulves, et et aussi des cakes d’accouchement (ceux-là sont gores, ne cliquez pas si vous êtes sensibles). On peut bien évidemment réaliser ses vulves gourmandes maison, au moyen de moules comme ici et de cette recette par exemple.
Dans la Grèce antique, à l’automne, lors des trois jours des Thesmophories, les femmes se réunissaient entre elles pour les fêtes d’adoration de Déméter, déesse de la fertilité et des moissons. Déjà, ça me parle beaucoup: teuf, meufs et pinard, on se croirait à un atelier en non-mixité. Et attendez de lire la suite: le premier jour les femmes cramaient des trucs et balançaient des cochons de lait dans des fosses (#balancetonporc), le deuxième jour elles jeunaient et méditaient. Le troisième jour, bamboche: elles confectionnaient et mangeaient des gâteaux évocateurs en tenant des propos obscènes. Grosse bringue d’islamo-héllenogauchoféministes, on n’a rien inventé quoi.
Pour autant, entre les zizis vanillés et les vulves sucrées, la portée symbolique n’est pas la même: quand on représente une vulve avec de la chantilly, on participe à visibiliser ce qui a longtemps été caché, au profit du membre, glorifié un peu partout et aux représentations nombreuses.
Reste LA question qui me taraude: pourquoi on mange ça? Il est évident que sexe et nourriture sont intrinsèquement mêlés, depuis que le monde est monde, mais d’où vient cette idée bizarre de consommer des représentations des organes génitaux / sexuels ? Je veux dire en dehors d’une occasion très spéciale, du genre être enlevée par un extraterrestre qui aurait les traits de Pierre Niney et des fantasmes chelous tout en étant sous l'emprise d'une drogue très très forte.
Qui veut un pénis de yack rôti ?
Et si ces sucreries n'étaient que des ersatz ? Des chibroques en pâte à chou, sorte de pis-aller à défaut d’en manger de véritables. Ça vous la coupe? Vous avez esquissé une moue de dégoût? Attendez la suite: biroutes de chèvre, de mouton, de bœuf, de tigre, de chevreuil, de yack, de chien, d’âne, de phoque ou de kangourou, tous se mangent sur une partie ou l’autre de la planète. Je vous le donne en mille: pour des raisons de (bonne) santé, particulièrement chez les messieurs chez qui consommer des organes turgescents boosterait la libido. Les chibres d’animaux sont utilisés dans la médecine chinoise pour soigner les problèmes de reins et d’érection depuis très longtemps. Et cette consommation de verges crues, cuites, bouillies, émincées, rôties (un régime vergétarien en somme) n'est pas réservée aux seuls hommes: les femmes aussi peuvent bien bouffer des vits, ce qui garantirait une jolie peau, pour autant qu'elles n'y ajoutent pas les délicatesses que sont les bourses, susceptibles d’après la légende de faire pousser barbe et voix grave. En réalité, il n’en est rien, et même, riches en protéine et pauvre en gras, ce serait un sacré super aliment. A testicle a day keeps the doctor away?
Si l'on ne consomme pas usuellement de verges dans nos contrées, on a pourtant l’habitude de consommer des couilles, dans le potage ou non. On raconte que Louis XV avait même poussé la marquise de Pompadour à en manger afin de stimuler son tempérament amoureux. Il est tout à fait possible de déguster l'une ou l'autre animelle, rognon blanc ou testicule de taureau en France : à jamais dans mon cœur ce grand moment de télé mi-gêne mi-plaisir que nous a offert Cyril Lignac en cuisinant des roupettes de coq. En Hongrie, ces mêmes coucougnettes sont cuites dans un ragoût à base de paprika (kakashere pörkölt). En Espagne, on raffole des criadillas, également appelées frites de taureau, qui sont des burnes dudit animal farinées et panées. Les champion·nes en la matière sont les Serbes: iels ont même créé le World Testicle Cooking Festival ! Chaque mois de mai, des chef·fes du monde entier viennent en Serbie pour faire cuire leurs testicules. Attention aux noms trompeurs: aux Etats-Unis, si vous pensiez manger des huitres en consommant des “Rocky Mountain Oysters”, sachez qu’il s’agira plus probablement de roustons de buffle, de taureau ou de sanglier.
Différents degrés de transgression, jusqu'à l’ultime: le cannibalisme
En point d'orgue se pose la question de la transgression. N'avez-vous jamais mordu, léché, sucé, avalé pendant l’amour ? Vous avez sans doute approché alors d'un cannibalisme soft. Comme pour le sexe, qui peut être pratiqué de diverses manières, plus ou moins intense, l’envie de l’autre peut aller chez certain·es jusqu'au désir de l’absorber. L’acte sexuel et l’acte de manger s’interpénètrent et les désirs se confondent: le fantasme ultime devient alors manger de la chair humaine et s'approprier son ou sa partenaire dans ce qu'iel a de plus intime, de plus tabou, de plus privé: ses parties génitales. C'était le cas pour cet allemand qui a voulu faire de la dégustation du pénis de son amant un climax érotique. Et manger des gens ou être mangé est un fantasme plus courant qu’on ne le pense. Pour aller plus loin, on distingue plusieurs types de cannibalismes: religieux, thérapeutique, des morts et nutritionnel ou gastronomique. Si l’anthropophagie est quasiment condamnée partout, elle se tolère parfois dans certaines sociétés et dans des cas précis, pour le cannibalisme thérapeutique (se soigner par l’ingestion d’un organe) ou religieux lorsqu’il s’agit de conserver un “peu de l’âme” de la personne mourante. En ce qui concerne l’Europe, c’est en premier l’influence des grecs qui craignaient plus que tout les cannibales et les amazones, puis chrétienne (on ne mange pas ce qui a été fait “à l’image de dieu”) qui ont façonné ce tabou. Mais si c’est interdit, cela en devient d’autant plus désirable? Il existe beaucoup de paraphilies liées au fait d’être consommé·e par ou de manger un autre être humain. : vampirisme, voraphilie, endosomaphilie …
Et il existe bien évidemment des forums pour mettre en relation “viande” et mangeur ou mangeuse. Pour autant compte-t-on beaucoup de passages à l’acte? C’est beaucoup plus flou, mais il semblerait que non, si l’on en croit les récriminations de “vrai·es cannibales” qui cherchent désespérément des victimes consentantes. Sporadiquement on compte des cas macabres comme ceux qui suivent.
TW: violences extrêmes, torture, meurtre
“Le 2 janvier 2007, Nicolas Cocaign, détenu à la maison d'arrêt de Rouen, tue son compagnon de cellule et mange un morceau de ses poumons. Il explique au juge d'instruction : "Je voulais prendre son âme". Il confie au psychiatre : "Ce qui est terrible, c’est que c’est bon. Ça a le goût de cerf. C’est tendre." En 2012, à Miami en Floride, un policier doit abattre un homme nu qui est en train de dévorer le visage d'un autre homme, lui aussi en tenue d'Adam. ”
En 2013, Jérémy Rimbaud, ancien militaire, 26 ans, disant entendre des voix, tue un homme de 90 ans à coups de barre de fer avant de faire cuire son corps et d'en extraire le coeur et la langue pour les manger. Les sources de ces histoires ici.
Manger l’autre ou être mangé n’est pourtant pas toujours une partie de plaisir. En 2019, un professeur suédois, Magnus Söderlund propose joyeusement d’autoriser le cannibalisme en Occident pour lutter contre le réchauffement climatique. Pour cet artiste Japonais, être mangé signait un manifeste pour la liberté des personnes aux sexualités différentes. Étant lui-même asexuel, il avait décidé - après avoir subi une ablation chirurgicale petit oiseau et valseuses - de les servir en tant que mets de choix à des invité·es trié·es sur le volet, à condition d'en payer leur quéquette-part, évidemment.
Alors quelles sont ces pulsions qui nous poussent à manger des choux-bites glacés vert fluo, des vagina cakes, des gens ou de la fricassée de couilles d’agneau? Beauferie pure, revendication féministe, résistance à l’oppression et à la censure (dans certaines parties du monde on peut encore craindre la prison pour avoir représenté des organes génitaux sur des gâteaux), fantasme de puissance, recherche de fun, désir sexuel intense, santé, culture gastronomique ou simple question de goût? Sans doute que comme pour tout ce que l’on mange, les raisons en sont multiples, paradoxales et complexes. Comme nous.
La bouteille de la semaine
Il y a une histoire particulière et secrète entre moi et les vins de Marjorie Gallet. Et elle ne le sait pas: ce sont les toutes premières bouteilles que je me suis payée, avec mon premier salaire pour mettre en cave. Elles étaient tellement précieuses, ces trois là, des maccabeus passerillés que j’ai mis un temps infini à les boire. Bien m’en a pris, de pures merveilles à chaque fois. Alors quand je vois un de ses vins à la carte d’un resto, je craque. Llum était parfait avec mon bar croquant et pimenté.
La série de la semaine
Je suis une grosse consommatrice de séries: un peu au hasard j’ai commencé GLOW et bordel quel bonheur. Des femmes qui catchent, une esthétique furieusement 80’s, des persos très bien taillés, des paillettes, de vrais rôles féminins, vraiment un super chouette moment de bingewatching. Je me réjouis de me faire les deux saisons restantes, avec la tristesse d’apprendre que malheureusement si une saison 4 était initialement prévue, elle a fini au placard.
Le livre de la semaine
Il va sans dire que cette fois ci, le choix était évident. Laëtitia Visse a commis aux excellentes éditions de l’Epure - je les aime presque autant que Nouriturfu, c’est vous dire - un petit traité de préparation de couilles assez réjouissant. Bam ! Par ailleurs, Laëtitia est cheffe et proprio à La femme du boucher à Marseille.
Ce sera tout pour cette semaine. Et bon appétit bien sûr.
N’hésitez pas à m’écrire à vinclusif@gmail.com : vos suggestions sont toujours bienvenues.