Ça fait longtemps que je n’ai plus écrit ici, parce que le temps est court et que la vie nous presse comme des citrons. J’aime beaucoup ce dicton “When life gives you lemons, make lemonade” et ce n’est pas si éloigné de mon état d’esprit actuel. J’ai besoin de m’occuper les mains à produire : et quoi de mieux que de le faire avec ce qu’on a sous la main, ou ce que d’habitude on jette. Comme d’habitude lorsque je tombe sur un sujet / un domaine qui m’intéresse, je me jette à corps perdu dedans : je lis, j’étudie, je réfléchis puis je mets en pratique, évidemment. Après coup, j’ai trouvé ce choix inconscient un peu ironique : dieu sait que mes relations avec le monde du vin tournent à l’aigre depuis quelque temps 1, se mettre à produire du vinaigre a quelque chose de délicieusement taquin. De même pour le recyclage des déchets. On peut choisir de les ignorer, mais ils finiront toujours par puer. Ou bien on peut choisir d’en tirer parti. Comme dirait Gwyneth 2 dans l’excellente série The Politician “La vie, c’est une tornade de merde pleine de pépites d’or. Tu n’es pas obligé de tout planifier, tu dois essayer de rester propre, tout en attrapant autant de pépites que possible”.
Je n’ai pas vocation à être un agent du Chaos, c’est bien dommage peut-être, mais il faut laisser parler sa nature profonde : je ne me résous pas à la vengeance, ni à la mesquinerie. Je ne sais pas si je crois au Karma, mais ce dont je suis certaine - même si les gens qui se comportent mal ne reçoivent pas toujours la punition qu’iels méritent - c’est que les choix que je fais ne m’empêchent pas de me regarder dans une glace. Et en plus je peux distribuer mes productions aux personnes qui le méritent. 3
J’ai lu ainsi qu’on pouvait faire un vinaigre à base d’épluchures de pommes.
Petit aparté sur comment ça fonctionne, au fait, un vinaigre.
Pour faire du vinaigre, c’est très simple : il faut de l’alcool, des bactéries et une température propice. Partant d’épluchures (ou de tout autre déchet, ou de fruits / fleurs) il faut donc faire une double fermentation : une fermentation alcoolique (transformation du sucre en alcool) et une fermentation acétique (transformation de l’alcool en acide acétique). Les bactéries vont former à la longue à la surface ce qu’on appelle une mère, une masse gélatineuse qui va flotter en surface tant qu’elle est active et se déposer au fond quand elle ne le sera plus. On peut la prélever - active - et l’utiliser pour lancer d’autres vinaigres. Au bout de quelques semaines, quand le vinaigre est prêt, il suffira de le filtrer, de le mettre en bouteilles bien bouchées et de le conserver à l’abri de la lumière dans un endroit sec.
Revenons à mes moutons qui sont des pommes
Un bon kilo et demi de fruits m’attendaient dans la corbeille, pas loin de faire la gueule. Et j’ai pelé, pelé 4, utilisé la chair pour faire une compote, et gardé précieusement épluchures et trognons. Partant de là, I*nternet m’offrait plusieurs choix 5 : bien laver ces restes ou pas. J’ai choisi d’appliquer une méthode rigoureusement scientifique et flemmarde : ne rien faire.
Si on veut que les levures - qui sont normalement présentes naturellement sur les fruits, et la peau 6 agissent, on ne va pas les contrarier, voire les éliminer en les rinçant. Donc j’ai mis mes épluchures en pots (500 g environ), j’ai ajouté de l’eau (un bon 1.2 L), du sucre (200 g) et une petite tasse de vinaigre de cidre bio. J’ai couvert le pot d’un linge 7, je l’ai mis dans un coin dans la cuisine et j’ai attendu. Il a fallu moins de vingt-quatre heures pour que la fermentation démarre, ça peut être un poil plus long, patience ! Les bulles, toutes petites sont vite devenues plus grosses et impétueuses 8, au bout de 10 jours, c’était calmé. J’ai alors filtré pour ne garder que le jus, qui était bien trouble. Après presque un mois, ça a bien décanté, et surtout une mère a commencé à apparaitre ! Satisfaisant au-delà du possible.
Ensuite j’ai lu qu’on pouvait faire pareil avec les queues de fraises. Mon cher et tendre étant en pleine période de fabrication de glace aux fraises, j’ai récupéré ses déchets.
J’ai aussi lancé une fermentation de peau des kiwis 9. Et j’ai bien envie de tenter avec des peaux de melon, de pastèques, puis y a des oranges qui me zieutent depuis le panier à fruits…
Plus tu fais de fermentations, plus tu prends confiance et tu essaies des trucs: au kiwi, j’ai ajouté de la vanille. Et à la seconde fermentation de queues de fraises, j’ai mis du citron noir. Mais le point le plus important : tu n’as plus envie de t’arrêter 10 . Je me suis mise à traquer les pots et les bouteilles vides, je récupère tout ce que je peux, tous les formats et styles. Je les planque à droite, à gauche, j’exploite les dessus d’armoires tandis que les étagères crient à l’embouteillage. Je ne vous raconte pas le bordel qu’est devenue ma cuisine, des pots avec des vinaigres à des stades différents partout, sans compter les pickles 11, les trucs en fermentation pour des sirops, boissons ou gelées.
Il faut dire que les jardins regorgent de choses magnifiques : j’ai la chance d’avoir beaucoup de sureau (avec lesquels j’ai fait du sirop pour faire des cocktails, et une boisson rafraichissante 12) et un rosier ancien splendide et très prolixe. Habitant à la campagne, j’ai des coquelicots qui poussent spontanément devant la maison, je devrais récolter bientôt des cerises, il y a quelques fraises sauvages dans mon jardin, les pommes arriveront avec l’automne. Quand les jours rafraichiront, quand les épaules frissonneront sous les châles et que les bottes glisseront dans les flaques, j’aurais mis un peu de printemps - été en bocaux, et cette pensée me réconforte déjà d’avance.
Bonus : la recette de la gelée de rose, super simple à faire, super belle, super bonne.
Vous pouvez utiliser tous types de roses, mais plus elles sont colorées et parfumées, mieux c’est.
How to : Récolter les roses, en enlevant bien la partie blanche qui sinon, donnera de l’amertume. Pour avoir facile, je prends la rose dans ma main gauche, le bouton en l’air, et je coupe le cul, puis je gratte le pollen éventuel. Il en faut le plus possible. Ensuite, on met à bouillir un litre d'eau, et on y jette les fleurs, le jus d'un citron. On laisse 5 min, après on coupe le feu. Cela doit infuser au moins quelques heures, au mieux une journée ou une nuit. Après on filtre, on presse bien les pétales pour récupérer un max de liquide, puis on pèse ce jus. On pèse la quantité équivalente de sucre gélifiant, on le met dans une casserole, on couvre de jus infusé et on porte à ébullition. À compter de l'ébullition, sept minutes minimum de cuisson: on peut tester en mettant une assiette au frigo et en mettant un peu de gelée dessus si elle prend direct, c'est bon, c'est assez cuit. On met en pots stérilisés, on les retourne et on laisse refroidir à température ambiante (Pas au frigo). Il faut 24 h pour que la gelée soit stable. On peut ajouter des épices à infuser, comme des poivres aromatiques et j'ai aussi testé avec du gochujang (une pâte de piment coréenne). Pour ce dernier, j’ai ajouté la pâte petit à petit, après la filtration. Difficile d’être précise sur la quantité (j’ai mis trois cuiller à café pour un demi litre de liquide, mais j’aime le piment), c’est à vous de doser ce que vous aimez. Attention: le sucre va adoucir le piment.
Si jamais la gelée n’était pas assez prise après le repos de 24 h , rien de grave : il suffit de la remettre sur le feu et de recommencer l’opération de mises en pots
J’espère que cette petite lettre vous aura donné envie de vous lancer, vous aussi, je ne garantis pas que vous réussirez à chaque fois, mais je peux vous assurer que le plaisir d’ouvrir un pot ou de sniffer un bocal, et de s’apercevoir que ça a marché, que c’est bon et que vous allez en profiter, ça vaut bien quelques efforts et beaucoup de patience.
À bien vite !
Not all monde du vin, mais suffisamment pour me laisser envisager parfois, dans les moments de découragement, une reconversion.
Paltrow, who else. J’ai découvert son potentiel comique dans cette série, tout arrive.
Je laisse les concerné·es trancher le sens de cette phrase, se sentent-iels flatté·es ou puni·es, ça leur appartient.
Aline, pour qu’elle revienne.
C’est en commençant à explorer le monde des fermentations que j’ai découvert que personne ne dit pareil, et qu’il est impossible de trouver LA recette, c’est le royaume de la débrouille et de l’adaptabilité, tu piques un élément là, un autre ici, et tu utilises ton cerveau pour remplir les points manquants.
J’ai oublié de dire qu’on utilise des fruits bios non traités mais ça me semblait tomber sous le sens.
Version officielle. En vrai ce sont des compresses, dont je ne sais absolument pas quoi faire depuis des années et qui ont fait le job de façon merveilleuse.
Donc conseil bien utile : ne pas remplir trop le pot.
Ce qui tombe bien parce que les enfants adorent ça.
Dans les limites du raisonnable bien sûr : si les roses de mon jardin sont tout à fait comestibles, ce n’est pas le cas des lavandes qui sont en fait du lavandin, hélas.
Dans la grande famille des pickles, j’ai déjà fait: oignons, cornichons, courgettes au curry, bourgeons d’ail des ours, pickles de daikon, kimchi, et j’ai encore bien des idées en tête.
Sur le principe, c’est simple, on fait macérer des fleurs de 24 à 48 h, avec de l’agrume et un peu de sucre pour la limonade, rien pour le sirop. Pour la limonade: macération à t° ambiante 48h, filtrage, embouteillage et frigo. On pense à dégazer régulièrement. Pour le sirop, macération 24 h à froid, filtrage, puis dans une casserole avec l’équivalent du poids du liquide en sucre. On porte à ébullition et laisse bouillir 10 min, puis on met en bouteilles et on conserve au frigo. Astuces: citron jaune et orange marchent nickel, le citron vert apporte beaucoup d’amertume. Il faut bien enlever tout le vert des fleurs, car lui aussi donne de l’amertume.