Oui, je sais, cette newsletter tombe comme un cheveu dans la soupe, après des mois de silence et de non-activité: mais comme on chasse le naturiste, il revient au bungalow, les vieilles habitudes finissent toujours par revenir. Mais pour écrire quoi?
Faire un jeu de mot prétexte, en premier. Ensuite, évoquer un sujet qui percole, s’infiltre et s’insinue depuis quelques jours. Quel est le coût de nos luttes?
Je n’ai pas choisi, un matin, d’être féministe. Ca s’est imposé à moi, au fur et à mesure, par imprégnation. Parce que je subissais un certain nombre de situations sexistes, ou grossophobes. Parce que je voyais mes copines autour se démener pareil (avec parfois des bonus track, comme le validisme, la LGBTQIAphobie, le racisme, …). Je n’ai pas choisi de suivre cette voie qui fait que chaque acte ou presque que je pose dans la vie, chaque parole prononcée, chaque nouvelle rencontre, je dois les soupeser à l’aune féministe. Combien de relations pro ou persos ai-je perdues, combien d’argent dépensé, combien de temps et de nuits perdues? Et je ne vous cache pas que cet espèce de contrôle permanent est usant. Alors on développe des techniques: la mienne, c’est la marche.
Je suis une sportive contrariée: c’est-à-dire qu’au fond, tout au fond de moi, j’ai toujours aimé l’effort physique et ce shoot d’adrénaline qui l’accompagne, la libération des endorphines après une bonne suée. Mais j’ai très tôt été contrariée: d’une, je suis une “littéraire”, un être comme chacun·e sait fait de pur esprit et non de matière organique, muscles et graisses compris. De deux, je suis grosse. A un point qui varie, parce que mon humeur détermine ma forme, plus ou moins importante. Parfois, je me demande si je n’ai pas un peu de ces poissons qui gonflent face au danger, pour paraitre plus menaçants. Cette petite digression pour expliquer que non seulement on ne m’a jamais encouragée à pratiquer un sport (puisque j’ai des livres à écrire, ce genre de choses) mais aussi que mon poids me classe quasi d’office dans les “non sportives”. Avant le Covid, j’avais trouvé dans la salle de muscu un Eden: puis cette saloperie de virus étant passé par là, et ma légère hypocondrie ont fait que j’ai cessé d’y trouver un environnement sécure pour moi, j’ai cessé de la fréquenter.
Mais ça y est, j’ai retrouvé mon truc. Un autre truc: la marche. D’abord des petites distances, à pas lents, à mon souffle. Puis de plus en plus longues, plus rapides, et surtout plus satisfaisantes. Marcher au grand air, avec le chien qui court autour, prendre le temps de respirer, de lâcher les tensions, juste une heure à soi. La marche est ma chambre à soi1: un endroit, un espace-temps où il n’y a que moi, où je peux laisser flotter mes pensées, germer mes idées (ou pas, ne penser à rien, ne rien créer c’est aussi un plaisir en fait). Il y a un effet physique certain: plus de souffle, meilleur sommeil, plus jolie peau et aussi la perte de quelques kilos. Mais surtout, un bien être évident: plus de calme, moins de stress. Le luxe à portée de baskets ! 2
Autre truc qui me fait du bien: l’assiette. Dire que j’apporte beaucoup d’importance à ce que je mange n’est pas un scoop: l’été et le fait de bosser à des horaires décalés par rapport à la famille fait que je prends beaucoup de repas seule. Et quand c’est le cas, je me rends compte que très naturellement je mange très végétalisé. Voire végétarien. Soyons honnêtes: grâce essentiellement au fromage. Si je peux franchement me passer de viande, de poissons, c’est parce que je compense en produits lactés: eux m’apportent le réconfort du gras, de la texture. Mais j’adore, franchement, véritablement les légumes.
Pour tout vous dire, je les aime tellement que je rêve même d’artichauts. Littéralement: l’autre nuit, je rêvais que je mangeais un gros artichaut avec une vinaigrette bien moutardée, degré de satisfaction 10/10. Et pour répondre à Catherine qui m’interpellait à ce sujet l’autre jour: As tu des origines bretonnes? Non, du tout mais j’adore la Bretagne. As tu des actions chez Cynar? Je déteste ça (NDLR: un apéritif très amer à base du légume). Quels sont tes réseaux pour de procurer de l’artiche? Le marché, rien de tel. A l’heure des œufs écalés sous plastic qui va passer son temps à bouffer des artichauts? Moi, déjà. Mais parce que j’ai la technique et le savoir-faire, ce qui je me rends compte est luxueux.3 Mon métier me met en relation constante avec des chef·fes,4 j’ai des recettes sous les yeux très souvent et je mange régulièrement au resto, donc adapter mon alimentation en la composant pour pratiquement l’essentiel de légumes/ féculents ne m’est pas très difficile5.
Je dois aussi avouer que l’état de la planète pèse un peu dans ma balance: si je veux être complètement honnête, j’aime et je continuerai sans doute d’aimer beaucoup viandes et poissons, et peut-être je n’arriverai jamais à m’en passer totalement. A la fois par goût, et aussi parce que c’est un rite social, familial, dont il est in fine très compliqué de se défaire. Mais c’est en mangeant seule que je m’aperçois de la complexité de cette alimentation. Seule, je trouve beaucoup de plaisir à manger très différemment de ce que je cuisinerais en famille: ça m’interroge beaucoup d’ailleurs. Pourquoi est-ce que je trouve parfait ce bol de riz vinaigré, légumes vapeur, œufs brouillés et chili alors que je ne le proposerai pas comme repas “de famille”? Parce que ça me semble trop “léger”, pas assez cuisiné? Parce que la viande y manque? J’imagine que plein de choses se nichent dans mon inconscient, qui font que certains repas sont familiaux, d’autres non. Est-ce qu’il y a un goût des tables à plusieurs et un goût solitaire? Est-on à ce point influencé par le goût des autres qu’on en vient à oublier nos préférences, ou du moins à les mettre un peu en sourdine? Le goût personnel est une construction culturelle, c’est évident mais ce qui se joue dans notre goût en rapport avec celui des autres est assez fascinant. 6
Voici pour cette reprise, en douceur: on va essayer de s’y remettre, comme pour la marche. Régulièrement, tout doux d’abord, avant d’atteindre le bon rythme.
Ce concept de Virginia Woolf s’il est évident qu’il s’applique d’abord à l’aspect matériel des choses me semble aussi assez lié à la disponibilité mentale vs la charge mentale féminine et à la nécessité d’avoir des espaces de pensées libres, de création ou de repos. Surtout à l’heure d’internet où rien ne s’arrête jamais vraiment et où la connexion aux autres et à leurs besoins est permanente.
Si vous comptez vous mettre à la marche, prenez le temps de choisir de bonnes chaussures, antidérapantes, qui gardent les pieds au secs, légères et qui soutiennent la voute plantaire.
Pour les gros: enlever les grosses feuilles, garder les plus petites, couper à ras jusqu’au cœur, enlever le foin, plonger dans une eau citronnée, puis cuire vapeur. Pour les petits: casser la queue (misandrie!!!), couper aux deux tiers les feuilles et tirer les parties filandreuses avant de cuire vapeur.
Ou carrément des chefs qui m’offrent des mini-câpres au vinaigre, parfaites pour pimper une salade.
Par exemple, saviez vous que pour une salade de tomates géniale, il faut les couper, bien les saler, ne pas hésiter à mettre épices et condiments (ail, thym, basilic, zaatar, par exemple), de les laisser rendre leur jus au minimum une demi-heure à température ambiante, et de les égoutter enfin, avant de finaliser votre salade. Ne jetez pas cette eau de tomate riche en goût: filtrée, elle pourra servir de base de vinaigrette pour la salade du lendemain.
Je réfléchis beaucoup à cette problématique du goût ces temps ci, peut-être parce que je bosse sur un prochain livre, allez savoir.
Merci. Je ne m'étais pas rendue compte à quel point ça m'avait manqué 😉